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Le retrait effectif du Royaume-Uni de l’Union européenne, intervenu le 31 janvier 2020, suivi de la fin de la période de transition le 1er janvier 2021, a profondément bouleversé les mécanismes de la TVA intracommunautaire. Jusqu’alors, le numéro de TVA intracommunautaire attribué aux opérateurs britanniques permettait une exonération systématique des livraisons de biens entre États membres, régies par la directive 2016/112/CE et l’article 286 ter du CGI. Avec la disparition de ce régime de pleine reconnaissance automatique, les entreprises doivent revoir leurs process : du contrôle du numéro via le VIES aux formalités douanières, tout a évolué.
Pour les professionnels français et européens, comprendre ces changements n’est pas seulement une question administrative : c’est un impératif opérationnel et financier. Face aux nouvelles exigences fiscales et douanières, l’objectif de cet article est double : analyser en détail les mutations intervenues dans la reconnaissance et l’utilisation des numéros de TVA post-Brexit, et fournir aux acteurs économiques des clés pratiques et opérationnelles pour s’adapter sans perdre en compétitivité. Cette étude couvrira à la fois les aspects réglementaires, les ajustements techniques et les meilleures pratiques pour sécuriser les échanges franco-britanniques.
Le Brexit a été scellé par l’accord de retrait de janvier 2020, suivi d’une période de transition prolongée jusqu’au 31 décembre 2020. Pendant cette phase intérimaire, le Royaume-Uni demeurait conforme aux règles fiscales et douanières de l’UE. Dès le 1er janvier 2021, le pays est redevenu juridiquement « tiers », entraînant la cessation automatique de la reconnaissance mutuelle des numéros de TVA. Ce basculement a eu pour conséquence immédiate la remise en cause de l’exonération automatique des opérations de commerce intra-UE, obligeant les entreprises à se mettre en conformité avec des procédures de dédouanement classiques.
Au cœur de cette transformation, le numéro de TVA intracommunautaire occupait une place stratégique depuis l’adoption de la directive 2006/112/CE, transposée en France dans le CGI. Cet identifiant fiscal, fondé sur des standards harmonisés, permettait non seulement d’exonérer les livraisons de biens entre États membres (article 259 du CGI), mais aussi de tracer les flux pour lutter contre la fraude à la TVA. La perte de cette reconnaissance automatique pour les opérateurs britanniques oblige désormais les entreprises françaises à anticiper de nouveaux coûts et délais, tout en renforçant la fiabilité du contrôle fiscal.
Le cheminement du Brexit s’articule en deux dates majeures : le 31 janvier 2020, date de la sortie formelle du Royaume-Uni de l’Union, puis le 1er janvier 2021, fin de la période de transition. Pendant ces douze mois, l’ensemble des dispositions fiscales et douanières européennes continuait de s’appliquer au Royaume-Uni, ce qui a permis aux entreprises de disposer d’un délai de préparation. Toutefois, dès le 1er janvier 2021, la gestion des échanges a basculé vers le droit international, réintroduisant formalités de dédouanement, contrôles physiques et obligations de déclaration en douane (DAU).
Avant le Brexit, chaque opérateur intra-UE se voyait attribuer un numéro de TVA reconnu par l’ensemble des administrations fiscales communautaires. Ce sésame numérique reposait sur la directive 2016/112/CE, renforcée en France par l’article 286 ter du CGI, garantissant l’exonération des livraisons intracommunautaires (art. 259 CGI) et la validité des transactions sans retenue de TVA. Au-delà de l’aspect fiscal, ce dispositif assurait une transparence accrue et facilitait l’échange d’informations entre autorités, limitant substantiellement les risques de fraude.
Le régime antérieur, fondé sur un principe de confiance mutuelle entre États membres, reposait sur deux piliers : l’exonération automatique des livraisons de biens entre assujettis et la vérification systématique des numéros via le VIES. Cette organisation avait permis de fluidifier le commerce intra-communautaire et de rationaliser les contrôles fiscaux, tout en assurant une traçabilité numérique des opérations.
Conformément à l’article 259 du CGI, repris de la directive européenne, toute livraison de biens expédiée ou transportée d’un État membre à un autre était exonérée de TVA au lieu de départ, sous réserve que l’acheteur détienne un numéro de TVA intracommunautaire valide. Cette exonération engageait la responsabilité de l’opérateur vendeur, qui devait s’assurer de la validité du numéro de l’acquéreur et conserver les justificatifs de transport. Ce mécanisme favorisait la rotation des flux sans cloisonnement fiscal, réduisant les coûts pour les entreprises et simplifiant la chaîne logistique intra-UE.
Le VAT Information Exchange System (VIES), accessible gratuitement en ligne, offrait une interface centralisée pour la vérification instantanée des numéros de TVA attribués dans l’Union. Les vendeurs pouvaient ainsi contrôler la conformité du numéro de leur client avant facturation. Cette traçabilité automatisée jouait un rôle clé dans la lutte contre les fraudes en chaîne, notamment la fraude « carrousel », en permettant aux administrations fiscales de détecter rapidement les irrégularités et d’échanger des informations transfrontalières.
Le passage du statut d’État membre à celui de pays tiers a rompu l’application du régime d’exonération intracommunautaire aux échanges avec le Royaume-Uni. Les opérateurs britanniques ne bénéficient plus d’un numéro de TVA reconnu dans VIES : leur identifiant GB-VAT, délivré par HMRC, n’est plus utilisable comme simple numéro intracommunautaire. Les flux commerciaux sont désormais soumis aux formalités douanières classiques, avec l’obligation de déclaration en douane, de codes tarifaires et de contrôles aux frontières.
Après le 1er janvier 2021, le Royaume-Uni a basculé dans le régime des pays tiers en matière de TVA et douanes. Les exportations françaises vers le Royaume-Uni redeviennent facturées hors TVA française, mais soumises à l’importation au Royaume-Uni avec application du taux local. À l’inverse, les importations en provenance du Royaume-Uni transitent par un régime de dédouanement à l’entrée sur le territoire français, entraînant le dépôt d’une déclaration en douane (DAU) et le paiement des droits et taxes à l’importation, notamment de la TVA.
Le numéro de TVA britannique (GB-VAT) délivré par HMRC obéit à un format propre : généralement « GB999 9999 97 » ou « GB GD/HA999 999 99 ». Ce format diffère clairement du schéma intracommunautaire harmonisé (FR + clé informatique + SIREN). Par ailleurs, l’obtention d’un numéro EORI (Economic Operators Registration and Identification) est obligatoire pour toute entreprise traitant des échanges avec un pays tiers, UK compris. Le code EORI, basé sur le préfixe GB pour le Royaume-Uni, devient le principal identifiant pour le passage douanier.
L’arrêt du régime intracommunautaire a concrètement réintroduit la « douane » dans le couple franco-britannique. Les entreprises françaises doivent désormais anticiper des délais et coûts supplémentaires pour exporter vers le Royaume-Uni, mais aussi pour importer des marchandises, avec un impact direct sur les procédures logistiques, les ressources internes et le besoin de trésorerie.
Depuis la fin de la période de transition, les livraisons de biens vers le Royaume-Uni sont considérées comme des exportations hors UE. Elles ne donnent plus lieu à une exonération automatique de TVA française sur simple mention du numéro intracommunautaire du client. Les exportateurs doivent établir une déclaration en douane (DAU) pour chaque expédition, fournir un code tarifaire (HS Code) et s’assurer de la présentation d’un document de transport valable. De plus, il est impératif de mentionner le numéro EORI de l’expéditeur et du destinataire sur la facture, ainsi que la référence du régime douanier appliqué pour éviter toute contestation ultérieure.
À l’importation, la TVA française devient exigible dès l’arrivée des marchandises sur le territoire national. L’opérateur doit remplir une déclaration en douane, payer la TVA et éventuellement les droits de douane avant mise à disposition. Pour réduire l’impact sur la trésorerie, certaines entreprises peuvent solliciter un délai de paiement via un DMT (délai de paiement des droits et taxes) obtenu auprès des douanes, sous condition de garanties. La téléprocédure DELTA ou DELTA EMCS reste le vecteur privilégié pour le dépôt électronique sécurisé des déclarations en douane.
L’exigibilité immédiate de la TVA à l’importation génère un besoin de financement ponctuel qui peut représenter jusqu’à 20 % à 25 % de la valeur des marchandises. Les entreprises doivent intégrer ce flux de trésorerie sortant dans leur trésorerie prévisionnelle et anticiper d’éventuels retards de crédit fournisseur. Sur le plan de la facturation, la séparation nette entre exportation (HT) et importation (TVA due à l’arrivée) impose un suivi rigoureux des écritures comptables, notamment pour la récupération ultérieure de la TVA sur la déclaration CA3.
La fin de la possibilité de contrôle des numéros GB-VAT via le VIES a conduit à l’apparition de démarches complémentaires. Les entreprises exposées aux échanges avec le Royaume-Uni doivent mettre en place des méthodes alternatives sécurisées pour s’assurer de la validité fiscale de leurs partenaires commerciaux britanniques.
Désormais, toute recherche d’un numéro GB-VAT sur l’interface VIES aboutit à une réponse négative ou à une absence d’information, ce qui rend impossible la validation instantanée du statut d’assujetti. Cette situation accroît le risque de facturation erronée et d’exonération illégale. Les vendeurs doivent donc solliciter directement auprès de HMRC une attestation de validité du numéro de TVA, ou exiger des clients britanniques une copie de leur inscription au registre des assujettis ainsi que leur numéro EORI.
Pour sécuriser les opérations, les services comptables devraient établir une check-list de pièces justificatives avant toute exonération de TVA : attestation HMRC, copie de la demande d’EORI, factures pro forma, preuve de transport. Il est également recommandé d’archiver ces documents de façon immuable, que ce soit via un coffre-fort numérique conforme à la norme NF Z42-013 ou par archivage papier certifié. En cas de contrôle fiscal, disposer d’un dossier probant permettra d’éviter les redressements et pénalités.
Le basculement post-Brexit impose une mise à jour des outils techniques qui gèrent les flux facturation et douane. ERP, CRM, logiciels de facturation et plateformes logistiques doivent être paramétrés pour reconnaître à la fois les numéros GB-VAT, les codes EORI et les nouveaux régimes TVA applicables.
Sur les systèmes d’information, il convient d’ajouter de nouveaux formats de validation pour les numéros GB-VAT, comprenant l’algorithme de vérification HMRC. Les plans de comptes doivent intégrer une ligne distincte pour la TVA à l’importation, afin de faciliter la remontée dans la déclaration CA3. Les libellés de taxe doivent être enrichis pour préciser « Importation – TVA exigible » ou « Exportation – HT », et les modules de douane paramétrés pour générer automatiquement les DAU et mentions obligatoires.
Il est indispensable de rédiger un manuel de procédures « Brexit » spécifiant les étapes à suivre pour toute commande ou facture impliquant le Royaume-Uni. Ce document, intégré dans le système qualité ISO 9001, doit détailler la collecte des documents, les responsabilités de chaque service et les délais à respecter. Parallèlement, des sessions de formation continue pour les équipes commerciales, douanières et comptables permettront d’ancrer ces nouvelles pratiques et de maintenir un haut niveau de compliance.
Le non-respect des nouvelles règles peut exposer les entreprises à des redressements lourds et à des contentieux prolongés. Les administrations fiscales européennes et françaises ont d’ores et déjà annoncé un renforcement des contrôles sur les échanges avec le Royaume-Uni, jugés à risque en matière de fraude à la TVA.
En cas d’utilisation incorrecte du numéro GB-VAT ou d’absence de dédouanement, les entreprises encourent des redressements de TVA, assortis d’intérêts de retard (0,20 % mensuel) et de majorations pouvant atteindre 10 % à 40 % du montant dû. Les erreurs de facturation peuvent également donner lieu à des rappels de droits de douane non acquittés. Au-delà des enjeux financiers, ces litiges peuvent nuire à la réputation et à la confiance des partenaires commerciaux.
Les services fiscaux portent une attention particulière aux flux attribués aux pays tiers présentant un risque de fraude élevé. Les échanges avec le Royaume-Uni figurent en tête de liste en raison de l’importance des volumes. En cas de contrôle, l’administration sollicite systématiquement l’ensemble des DAU, des attestations de transport et la preuve de paiement de la TVA import. Il est donc crucial de tenir à jour un registre détaillé de chaque opération et de pouvoir produire ces documents dans les délais impartis.
Pour limiter les impacts économiques du Brexit, plusieurs leviers d’optimisation peuvent être mobilisés. Ces stratégies combinent structuration juridique, recours à des mécanismes fiscaux spécifiques et arbitrage logistique pour préserver la compétitivité des entreprises.
La création d’une filiale ou d’une succursale dans un autre État membre de l’UE permet de maintenir un numéro de TVA intracommunautaire valide pour l’ensemble du groupe et de reprendre le régime d’exonération intracom. En centralisant les flux par une entité située dans l’UE, il est possible de réduire ou d’éliminer les formalités douanières : les livraisons intra-groupe bénéficient alors du régime de TVA intracommunautaire. Cette solution nécessite cependant une mise en place réglementaire rigoureuse, avec obligations de comptabilité consolidée et déclarations intrastat spécifiques.
L’autoliquidation consiste à reporter la charge de TVA due à l’importation sur l’acheteur, qui la déclare et la récupère simultanément dans sa déclaration de TVA. Ce mécanisme, souvent réservé aux opérateurs bénéficiant d’une unique autorisation « dispense de dépôt », améliore la trésorerie en supprimant le besoin d’avance de fonds pour le paiement de la TVA à la douane. Pour en bénéficier, l’entreprise doit constituer un dossier auprès des services des douanes, démontrant sa capacité financière et sa fiabilité documentaire. L’obtention de cette autorisation peut prendre plusieurs mois, mais représente un levier de trésorerie non négligeable.
Les négociations entre l’Union européenne et le Royaume-Uni ne sont pas close : des accords complémentaires pourraient aboutir à une reconnaissance partielle des numéros GB-VAT ou à des régimes simplifiés pour certains secteurs industriels. Des projets de protocole de coopération fiscale visent à renforcer la transparence et l’échange automatique d’informations, dans la lignée du VIES+, futur système de contrôle digitalisé plus robuste.
En parallèle, la Commission européenne travaille sur des dispositifs de lutte renforcée contre la fraude à la TVA, avec un accent sur la blockchain et le partage en temps réel des données transactionnelles. Les entreprises doivent se tenir informées de ces évolutions, afin d’anticiper les nouvelles obligations et de bénéficier de dispositifs favorables lorsqu’ils seront mis en place. Une veille règlementaire active et une adaptation rapide des process s’imposent pour conserver un avantage compétitif dans un contexte toujours mouvant.
À l’horizon des prochaines années, on peut envisager la mise en place d’un « corridor fiscal » dédié aux échanges entre l’Union européenne et le Royaume-Uni, qui allierait reconnaissance mutuelle du numéro de TVA et facilitation des formalités douanières. Un tel dispositif reposerait sur un accord-cadre garantissant un échange automatisé et sécurisé des données fiscales et douanières, limitant ainsi les délais et les coûts pour les opérateurs.
Pour se préparer à cette éventualité, les entreprises doivent poursuivre leurs efforts d’harmonisation interne, renforcer la fiabilité de leurs systèmes d’information et maintenir une coopération étroite avec leurs partenaires britanniques. L’enjeu est clair : anticiper les solutions réglementaires à venir tout en consolidant les acquis post-Brexit pour garantir une compétitivité durable sur le marché transmanche.